Fiche technique de chaque œuvre, de gauche à droite
- AMER RUST (né en 1973). FR 79, 2019, oxydants et gravure au burin sur acier, 20 x 20 x 2 po. Série « Dentelle ».
- AMER RUST (né en 1973). FR 76, 2019, oxydants, gravure au burin, peinture à l’huile et vernis sur acier, 20 x 20 x 2 po. Série « Dentelle ».
- AMER RUST (né en 1973). FR 75, 2019, oxydants et peinture à l’huile sur acier, 20 x 20 x 2 po. Série « Dentelle ».
- AMER RUST (né en 1973). GR 105, 2021, eau-forte, oxydants et vernis sur acier, 20 x 20 x 2 po. Série « Gravure ».
- AMER RUST (né en 1973). NA 65, 2018, oxydants sur acier, 20 x 20 x 2 po. Série « Nature ».
- AMER RUST (né en 1973). GR 108, 2021, eau-forte, oxydants et vernis sur acier, 20 x 20 x 2 po. Série « Gravure ».
- AMER RUST (né en 1973). GR 116, 2021, eau-forte, oxydants et vernis sur acier, 22 x 22 x 1 1/8 po. Série « Gravure ».
- AMER RUST (né en 1973). GR 119, 2021, eau-forte, oxydants et vernis sur acier, 22 x 22 x 1 1/8 po. Série « Gravure ».
- AMER RUST (né en 1973). GR 117, 2021, eau-forte, oxydants et vernis sur acier, 22 x 22 x 1 1/8 po. Série « Gravure ».
- AMER RUST (né en 1973). GR 109, 2021, eau-forte, oxydants et vernis sur acier, 22 x 22 x 1 1/8 po. Série « Gravure ».
Biographie
L’artiste obtient un DEC en Gestion de l’Imprimerie du Collège Ahuntsic en 1993 avant de poursuivre ses études à l’Université McGill, à Montréal, où il obtient un Baccalauréat en Commerce (1998). Il travaille ensuite dans les domaines de l’imprimerie et de la transformation des métaux avant de se consacrer au travail artistique de l’acier. Il adopte alors le nom d’Amer Rust pour signer ses créations. Depuis 2018, il participe à des expositions individuelles et collectives; plusieurs de ses œuvres appartiennent à des collections privées.
Sur les œuvres
Le Comité d’acquisition d’œuvres d’art du Collège Ahuntsic a choisi 10 œuvres oxydées d’Amer Rust au cours de l’hiver 2022, après avoir découvert sa pratique artistique à la Galerie Luz à Montréal lors des expositions de l’artiste en 2019 et en 2020.
Afin de mieux comprendre ses créations, quelques notions sur les techniques de la gravure en creux sont nécessaires. En effet, dans la gravure en taille-douce directe, l’artiste trace un dessin sur une plaque de métal, souvent du cuivre, en incisant la plaque avec une pointe sèche ou un burin. Dans la gravure en taille-douce indirecte, la plaque est gravée à l’eau-forte. L’artiste applique ensuite sur la plaque de l’encre qui s’infiltre dans les creux. Puis le dessin est imprimé sur papier, par le pressage d’une feuille sur la plaque encrée. La plaque gravée servant de matrice pour imprimer les estampes est rarement montrée au public. Amer Rust s’inspire de ces techniques traditionnelles de gravure en travaillant avec des caches, des acides et des outils de dessin sur métal pour donner du relief à l’acier. Il s’appuie aussi sur certains concepts liés aux techniques modernes d’impression en manipulant les propriétés des liquides qu’il utilise pour oxyder l’acier, notamment l’hydrophobie utilisée sur la plaque d’impression offset; la tension superficielle, que l’on retrouve dans les solutions de mouillage, et le niveau de viscosité rattaché aux encres. La propriété oxydative du peroxyde d’hydrogène, utilisée dans le blanchiment du papier d’impression, est aussi mise à contribution dans son travail.
Par ailleurs, Amer Rust innove. Premièrement, il expose au public les plaques de métal qui montrent les effets directs des techniques d’impressions et d’oxydation. Deuxièmement, il privilégie l’acier, un métal assez peu courant en gravure. Afin de produire les effets visuels souhaités sur cet alliage de fer et de carbone, l’artiste adopte une pratique expérimentale. Il effectue des recherches avec des tissus, ainsi on peut reconnaitre, sur ses œuvres, des impressions de dentelles comme dans les gravures FR79 ou FR75; avec des végétaux dans NA65 ou avec des images photographiques comme dans GR105 ou GR108. Il mélange des techniques, manipule et varie les outils, les oxydants, les vernis et les peintures en multipliant les couches. Il modifie les techniques de préparation du support de métal, la concentration des agents oxydants, les combinaisons d’additifs, les techniques d’application, le temps d’oxydation, et consigne soigneusement ses observations sur ses expérimentations dans des cahiers de recherche.
Les œuvres exposées sont les résultats de ces gestes physiques et chimiques sur l’acier. Ces gestes créent des variations de couleurs, de formes, de textures, de creux et de reliefs sur les plaques comme la juxtaposition des 10 gravures exposées en témoigne. Cependant, le travail d’oxydation intègre aussi une part de hasard lié à la manipulation chimique et entraine le risque que le résultat ne réponde pas aux souhaits de l’artiste. Dans ce cas, Amer Rust ponce la surface et réutilise la plaque d’acier pour une nouvelle composition.
Dans ce travail expérimental, basé sur l’essai et l’erreur, il utilise des plaques tests, tel un nuancier de couleur, afin d’éprouver et de documenter visuellement les paramètres retenus. On peut reconnaitre les séries et les séquences de créations des gravures dans les titres des œuvres. Les 2 lettres indiquent la série, exemple GR pour « gravure » ou NA pour « nature », et les chiffres qui suivent, l’ordre de création. Ainsi la gravure 116 a été réalisée avant celle numérotée 119 par exemple. Cependant, il lui arrive de modifier son travail au sein d’une même série. En effet, comme des œuvres de la série « Gravures » exposées le montrent, certaines mesurent 20 pouces et d’autres 22 pouces. Alors que, dans les premières, il plie le métal pour former un rebord, il effectue l’oxydation sur la surface totale pour les autres. Cette différence est particulièrement visible dans un accrochage où les œuvres sont juxtaposées, comme celui retenu au Collège Ahuntsic : les gravures de 22 pouces semblent moins solidaires du mur et plus légères par rapport à celles aux bords pliés qu’on associe rapidement à des tableaux.
L’exposition
Le local C1.140 est un lieu de rencontres quotidien du personnel du Collège pour se retrouver, manger, se reposer, mais il est également utilisé pour toutes sortes d’activités, comme des cours de danse organisés par le service de l’animation socioculturelle, des fêtes de fin de session, des expositions, des conférences, des lancements de revues, des remises de diplômes, des réunions ou encore lors des élections provinciales. Comme il est très fréquenté, les membres du Comité d’acquisition d’œuvres d’art souhaitaient y installer des œuvres, et la découverte du travail d’Amer Rust en a été l’occasion.
Lors des expositions individuelles à la Galerie Luz, les gravures étaient réunies en mosaïque de 4 ou 6 œuvres ou encore accrochées en bandeau, accompagnant le visiteur dans son déplacement vers le fond de la galerie. Pour le Salon du personnel, la longueur du mur a permis de choisir la juxtaposition, une gravure à côté d’une autre, en les réunissant par taille, ce qui constitue un ensemble de 6 et un second de 4 gravures. Ainsi, l’accrochage conçu en collaboration avec l’artiste privilégie des contrastes formels et chromatiques entre les œuvres et non l’ordre chronologique de leur création.
Lors des visites à la Galerie Luz, l’esthétique industrielle des plaques de métal oxydées semblait, selon les membres du comité d’acquisition d’œuvres d’art, pouvoir s’harmoniser avec celle du mur de béton coulé précontraint gris du C1.140 qui, lors de sa construction en 1974, était un mur extérieur en façade du bâtiment C. Ainsi, les membres du comité ont invité l’artiste à présenter une sélection de ses œuvres directement dans le Salon du personnel. L’intuition collective des membres du comité s’est révélée juste. Très différent d’un support lisse, neutre et blanc comme la cimaise d’une galerie, le mur du Salon du personnel montre sa composition ainsi que des traces de fabrication et d’usage avec les cailloux, les aspérités et les marques d’accrochages antérieurs dans le local, qui répondent aux creux, aux reliefs et aux formes de l’acier oxydé des œuvres. Cette concordance semble à ce point naturelle qu’à peine installées, les gravures ont immédiatement été adoptées par la communauté collégiale, certaines personnes ayant même l’impression qu’elles étaient exposées depuis longtemps.
Cette familiarité vient sans nul doute des affinités esthétiques entre les œuvres et le mur, mais également de la présentation d’un travail graphique et d’impression dans les murs du Collège Ahuntsic dont, rappelons-le, l’Institut des arts graphiques est l’une des trois institutions fondatrices en 1967.