« Je m’appelle Cora, j’ai 22 ans et j’ai gradué de mes études en biotechnologies, en 2019. Je suis également une personne trans, plus précisément une personne non-binaire. Dans mon cas, je ne ressens pas une appartenance à un genre masculin, ni féminin. J’utilise les pronoms neutres iel et ille, et j’utilise les accords alternés en ce qui concerne la conjugaison des adjectifs (ex. « iel est content.e »).
Peut-être que vous pensez que je suis la seule personne que vous connaissez dans votre vie quotidienne qui est transgenre ou non-binaire mais je peux vous assurer que ce n’est pas le cas. Notre existence reste stigmatisée, et on doit souvent rester dans le placard du fait que mener une vie non-conforme reste tabou.
Mon parcours au Collège a eu des hauts et des bas. On peut me dire : « Bin c’est comme ça pour tout le monde! ». C’est vrai que chaque personne vit ses propres difficultés. Mais des personnes qui ne sont pas transgenres vivent des privilèges particuliers. Un privilège ne veut pas dire que la vie est intrinsèquement facile, cela veut seulement dire que la personne ne vit pas certains obstacles dans son quotidien. Quelques exemples de choses que je vivais de façon courante : je me faisais mégenrer à tous les jours, c’est-à-dire que je me faisais appeler mademoiselle ou « elle » constamment alors que je ne suis pas une femme. Je sais que ce n’est pas tout le monde qui était au courant de mon identité, mais dans certaines circonstances, je ne me sentais pas assez en sécurité pour le dévoiler. Je devais toujours aller aux toilettes et vestiaires des femmes. On me regardait croche à chaque fois, surtout lorsque j’ai coupé mes cheveux courts. Les cours de sciences de la santé autant que les cours de sciences sociales n’étaient pas adaptés ou inclusifs aux réalités des personnes qui ne sont pas LGBTQ+. Il y a donc des aspects de ma transition et de ma sexualité où j’ai dû faire des recherches par moi-même.
Chaque personne transgenre et non-binaire a son propre parcours. Certaines décident d’entreprendre l’hormonothérapie, d’autres des chirurgies d’affirmation de genre. On peut choisir ou non d’entamer des changements de documents légaux, que ce soit au niveau de notre pronom ou de l’assignation de genre. On peut aussi décider d’utiliser divers pronoms tels il ou elle, ou des pronoms neutres comme iel ou ille. Chaque personne est unique.
J’ai l’énorme chance de travailler auprès de l’organisme Jeunesse Lambda dans le poste de vice-présidence. Il s’agit d’un organisme communautaire par et pour des jeunes LGBTQ+ de 14 à 25 ans, dans la région montréalaise. On a plusieurs programmes en place pour aider les jeunes, dont certains sont spécifiques au contexte de la pandémie. On offre en tout le temps un programme d’accès aux prothèses de soutien de genre pour les personnes trans et non-binaires, à un prix abordable. Avant la pandémie (et on espère pouvoir reprendre bientôt) on avait des soirées hebdomadaires dans un centre communautaire avec des activités et des repas gratuits. Dans le contexte de la COVID-19, on a également un programme d’aide financière, entre autre pour l’épicerie.
En collaboration avec Jeunesse Lambda et d’autres organismes communautaires de la région, on espère sensibiliser l’entièreté de la population collégiale sur les réalités des personnes LGBTQ+. Peut-être qu’un jour l’existence de toilettes et de vestiaires neutres seront plus banalisées et non pas une « joke » publiée sur la page « Spotted ». Peut-être que je n’aurai plus à craindre pour la sécurité des personnes trans dans les murs du Collège et que ces personnes n’auront pas à faire des plaintes contre des enseignants sans que ça porte fruit.
J’aimerais remercier le Service de la vie étudiante, dont Jean-Yves Sylvestre, Emanuelle Dufour et Valérie Charron, ainsi que le département de biotechnologies pour avoir cru en moi malgré les obstacles auxquels j’ai fait face. Aux personnes trans du Collège : vous êtes valides, vous êtes authentiques et je vous aime de tout cœur.»
Cora