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Types de travaux

Quel genre de travaux va-t-on me demander ?

La première chose à bien comprendre, c'est qu'on vous donne des travaux moins pour vous évaluer que pour qu'il se passe quelque chose dans votre tête. C'est un peu analogue à l'exercice physique: ça réveille, réchauffe et développe votre musculature intellectuelle, en quelque sorte. Les muscles sont là, ils servent déjà, mais il s'agit de les habituer à faire régulièrement des mouvements plus amples, plus assurés, plus précis et plus complexes, parce que les objets sur lesquels ils portent sont à la fois plus vastes, plus subtils et moins évidents que ceux que requièrent les gestes quotidiens. Mais il faut y mettre le temps.

Si vous y mettez du vôtre, vous serez sur la bonne voie au terme de vos trois cours. Peu importe d'où vous serez parti, vous devriez devenir plus habile à penser. Vous verrez mieux certaines difficultés que la vie quotidienne ne laisse pas toujours le temps de voir. Vous définirez plus clairement et attentivement des notions souvent familières que l'empressement de tous les jours laisse floues. Vous reconnaîtrez plus aisément l'essentiel sous les détails distrayants et vous saisirez et ajusterez mieux les liens entre les idées. Vous saurez mieux pourquoi vous dites une chose plutôt qu'une autre, quelle différence cela fait, et vous flairerez plus rapidement les idées douteuses. On pourra moins aisément vous manipuler. L'expérience et la maturité aidant, vous comprendrez peut-être un peu mieux le monde où vous vivez.

Dans cette optique, envisagez vos travaux comme des mouvements, des exercices intellectuels que votre professeur vous demande d'effectuer. Une fois un travail réalisé, il vous dira si vous l'avez bien exécuté, fera ses commentaires et, s'il s'agit d'un travail évalu, mettra une note. Mais il serait regrettable que vous ne fassiez vos travaux que «pour la note»... Évidemment, c'est mieux que de ne pas les faire du tout et il en restera sans doute quelque chose. Cependant, en les abordant ainsi, vous ne les feriez que «pour la forme» : nous croyons au contraire que, si l'on veut apprendre et comprendre, mieux vaut y mettre du sien et faire vraiment, sincèrement et généreusement, ce qui nous est demandé. Un conseil donc : oubliez un peu la note et vous découvrirez, à la longue, qu'il peut être agréable et stimulant de faire une recherche ou une analyse en philosophie.

Voici une description des exercices les plus courants que vos professeurs vous demanderont de réaliser.

Le plan logique et le résumé

Ici, vous faites preuve d'objectivité

Plan logique et résumé ont en commun une même intention : rendre compte fidèlement de la pensée d'un autre. Ça n'est ni évident, ni facile, parce qu'en général on préfère donner son opinion plutôt que d'écouter et comprendre ce que nous dit autrui, surtout quand il n'est pas de notre avis. C'est pourtant au contact des autres que notre propre pensée prend forme, s'approfondit et se justifie. Même ceux qui ne pensent pas comme nous nous aident à examiner des aspects que nous n'avions pas vus, ou à évaluer nos raisons d'adhérer à telle idée. Notre identité se construit autant par opposition que par identification. Mais pour cela, il faut être capable d'entendre ce que d'autres ont pensé avant nous.

Le plan logique

Un plan logique consiste à reproduire de façon schématique l'argumentation d'un texte, c'est-à-dire : a) sa thèse; b) les justifications principales sur lesquelles elle s'appuie ; ainsi que c) les arguments secondaires qui les soutiennent. Le texte se trouve alors réduit à quelques phrases qu'on présente sous la forme d'un plan.

La première étape, la plus importante car tout le reste en dépend, c'est de bien repérer la thèse. Quelle affirmation principale l'auteur veut-il démontrer? De quoi veut-il nous convaincre? Où trouver la réponse et comment s'assurer qu'on ne s'est pas trompé? Souvent l'auteur énonce sa thèse dans l'introduction ou en conclusion, mais elle peut aussi se trouver au milieu, ou même demeurer implicite : il faut alors la déduire des arguments, dont elle découle. Une première lecture attentive permet en général de la repérer. Il doit s'agir d'une proposition et non d'une interrogation, et elle doit s'exprimer dans une phrase complète. Pour vérifier si l'affirmation choisie est bien la thèse du texte, il faut s'assurer que sa formulation n'est ni trop générale, ni trop particulière : elle doit découler de tous les arguments du texte (donc assez générale) et non d'un seul (donc pas trop particulière).

La deuxième étape consiste à relire le texte et identifier les principaux arguments, c'est-à-dire les affirmations retenues afin de nous convaincre de la thèse. Souvent, il y a un argument principal par paragraphe s'il s'agit d'un court texte, et un par partie s'il s'agit d'un texte plus long. Dans chaque paragraphe ou partie, on retrouve généralement au moins un argument secondaire qui vient appuyer l'argument principal.

Reconnaître ou formuler la thèse d'un texte et repérer les bons arguments, ça se développe par la pratique. C'est pourquoi votre professeur fait exécuter cet exercice dans le premier cours quand il travaille avec vous l'argumentation. Mais ce travail pourra être utile et revenir dans les autres cours, lorsqu'il s'agira d'aller à l'essentiel de la pensée d'un auteur qui propose une thèse et la justifie.

Le résumé

Le résumé fera rarement l'objet d'un travail séparé. Il s'agira le plus souvent d'une consigne qu'on vous donnera à l'occasion d'autres tâches, par exemple : «Résumez les conceptions de X et Y et comparez-les» ou encore «Résumez tel texte et prenez position». Dans ce contexte, le message que vous envoie votre professeur, c'est d'aller chercher l'essentiel de lapensée de quelqu'un d'autre.

Résumer exige donc de votre part une attitude de neutralité oud'objectivité et la capacité de distinguer l'essentiel du secondaire.L'ampleur de votre résumé dépendra de la longueur du travail demandé. S'il est court vous vous contenterez d'exposer l'idée directrice, s'il est plus long vous devrez y ajouter les idées principales qui viennent l'expliquer ou la justifier, mais dans les deux cas vous devrez l'exprimer dans vos propres mots et non en recopiant le texte.

Les travaux écrits d'argumentation

Dites pourquoi vous pensez ce que vous pensez

Il s'agit ici de quatre types de travaux : 1) texte argumentatif, 2) commentaire critique, 3) dissertation et 4) essai. De complexité et d'envergure variables, ce sont simplement des modèles commodes pour «dire ce qu'on pense». Certains, comme le texte argumentatif et la dissertation, encadrent l'argumentation de manière plus serrée et peuvent mieux convenir aux tempéraments logiques, d'autres, comme le commentaire critique et l'essai, ont une forme plus libre qui permet aux plus méditatifs de faire valoir leurs réflexions. Tantôt, vous aurez peut-être un professeur du genre logique qui coupe les cheveux en quatre, tantôt un professeur apparemment plus rêveur, pour qui philosopher c'est méditer. Quel que soit son tempérament, ses directives pourront apporter des variantes à chacun de ces modèles qui ont pour point commun de vous demander vos raisons de penser telle chose plutôt que telle autre.

Lorsqu'on vous donne l'un ou l'autre de ces travaux, c'est pour vous amener à exprimer votre position dans le cadre de cette discussion que le cours met en scène et provoque entre les auteurs étudiés et vous-même. On vérifie ainsi que vous êtes en mesure de vous introduire dans la conversation et d'y tenir votre place avec de bons arguments, des idées réfléchies ou des questions pertinentes. Cela permet de voir si vous avez suffisamment compris les positions en présence pour bien vous situer par rapport à elles. Ces travaux sont généralement exigés en guise de travail final, mais ce ne sont en fait que des questions «à développement» plus élaborées que celles qui vous auront été adressées tout au long de la session dans des examens, des travaux d'équipe oraux ou écrits, des travaux individuels plus courts, etc. Le développement, toujours inséré entre une introduction et une conclusion, a ici plus d'envergure : il implique obligatoirement une prise de position de votre part. C'est pourquoi ces quatre modèles ont la même structure de base : introduction, développement, conclusion - mais c'est surtout le développement qui les distingue les uns des autres.

Le but de l'introduction est toujours de présenter la question ou le problème que votre développement tentera de résoudre. Procédez ici comme l'enseignent les professeurs de français, en rédigeant trois paragraphes: un premier amène le sujet de manière générale - par exemple, vous partez d'une mise en situation brièvement développée afin de montrer qu'elle pose problème - ; le second formule clairement la question dont va traiter la suite et annonce votre réponse; le troisième précise comment se divisera votre texte.

Quant à la conclusion, elle aussi suivra un même plan qu'on pourra adapter aux besoins particuliers du modèle: un premier paragraphe résume votre développement, un second évalue s'il a répondu adéquatement au problème posé en introduction et, enfin, un dernier soulève les questions nouvelles auxquelles votre réflexion vous aura amené.

Le reste dépend du genre particulier de travail d'argumentation requis. Mais en ce qui concerne le développement, un conseil vaut dans tous les cas: abordez toujours une seule idée importante par paragraphe.

Le commentaire critique

Vous conversez avec un auteur

A la différence du texte argumentatif, le commentaire critique a pour point de départ un texte précis de quelques pages, pas trop long, dont le rôle est de stimuler votre réflexion et de vous amener à approfondir le sujet sur lequel porte le texte. Sa forme est plus libre que celle du texte argumentatif; elle vous oblige cependant à raisonner, à analyser les raisons que vous avez de dire ceci plutôt que cela à propos des idées de l'auteur. En vous engageant dans une conversation avec lui, elle exige que vous compreniez bien le texte. Si votre professeur vous donne des consignes plus précises, lisez-les attentivement, elle vous imposeront peut-être un plan, ou un thème, ou même une forme précise. Mais il pourra vous dire simplement : «Commentez ce texte» ou «Que pensez-vous de ce texte ?». C'est ce qu'on supposera ici.

Votre introduction doit tenir compte du texte à commenter : pour amener le sujet, formulez le problème général auquel s'intéresse ce texte et introduisez-le en faisant ressortir ce qu'il a de particulièrement intéressant, par exemple en présentant une question plus précise qui vous touche et à laquelle il répond de manière originale. Comme le texte commenté a généralement plusieurs parties, une façon commode de diviser votre travail consiste à les aborder l'une après l'autre. Vous pouvez cependant organiser votre commentaire autrement, par exemple en fonction des thèmes abordés par le texte, selon la conversation que vous avez lui. C'est souvent plus intéressant.

Le travail revient ensuite à résumer d'une part comment le texte, dans ses diverses parties ou à travers les thèmes qu'il aborde, répond à la question ou au problème posé, d'autre part à présenter vos réflexions ou votre position face à ce contenu. Ce sera le mouvement général de votre développement.

Pour chacune des parties du texte commenté ou pour chacun des thèmes de votre conversation avec lui, vous résumez alors en un paragraphe l'essentiel de la pensée de l'auteur et, dans quelques autres paragraphes, vous formulez et développez vos réflexions, qui pourront vous conduire soit à de nouvelles interrogations, soit à vous situer, à prendre position. Remarquez que vous pouvez être d'accord avec l'auteur sur un aspect de sa pensée, indécis sur un autre, être tout à fait en désaccord sur un troisième et, sur un quatrième, développer votre propre questionnement ou prolonger les idées qu'il exprime. Allez-y gaiement, mais attention, l'écueil à éviter ici est l'éparpillement : le défi est de trouver l'unité, même provisoire, de votre propre pensée en la confrontant à une autre, qui a déjà son unité propre. Au fil du commentaire, vous devez trouver ce que vous pensez et savoir pourquoi c'est à cette pensée-là que vous en arrivez. Votre travail devra former un tout et aboutir à une conclusion. Comment faire?

Supposons que vous êtes du genre logique et que vous choisissez de commenter le texte en vous demandant si vous êtes ou non d'accord avec les idées qu'il exprime. Là où vous êtes d'accord, vous devez faire valoir vos propres arguments. Si vous êtes indécis, expliquez pourquoi, en tâchant de clarifier vos hésitations. Et si vous êtes en désaccord, formulez et développez vos objections. Mais attention: si le texte commenté vous stimule à adopter ici une position, là une autre, alors que plus loin vous vous montrez indécis, apportez une attention particulière à éviter les contradictions et efforcez-vous de rester cohérent. Commenter un texte sur le mode du «pour ou contre» devrait vous amener à découvrir votre propre cohérence, à estimer pourquoi vous êtes plutôt pour ou plutôt contre.

Si vous êtes plus méditatif, vous préférerez peut-être vous interroger et prolonger pour vous-même la réflexion de l'auteur. Clarifiez bien alors vos questions et réflexions et mettez-les en relation avec le problème posé au départ, sinon vous risquez d'aller dans trop de directions à la fois et de n'aboutir nulle part: il faut des liens entre les questions pour qu'elles fassent un chemin carossable, qu'il vous sera aisé d'emprunter pour prolonger les idées du texte. Soyez aussi attentif à bien les comprendre et à examiner si l'intérêt qu'elles présentent est réel ou non, un peu comme si vous suiviez un guide mais tout en le surveillant, pour savoir si vous pouvez vraiment vous fier à ses indications.

Une fois votre développement terminé, concluez selon le même plan que pour un texte argumentatif, mais adapté aux besoins de la cause: résumez, sous forme par exemple d'un bilan, l'aboutissement de votre conversation avec le texte, précisez ensuite où cela vous situe en regard de la question posée en introduction et finalement, faites état des questions nouvelles que votre rencontre avec lui a provoquées chez vous.

La dissertation philosophique

Il s'agit d'être logique de bout en bout

Ce travail est tout simplement un texte argumentatif plus élaboré, qu'on introduit et conclut de la même manière que ce dernier. Votre professeur, s'il en est fervent partisan ou s'il voit que cela convient mieux à votre tempérament ou au sujet, vous le fera surtout exécuter dans votre deuxième ou troisième cours. La dissertation est l'occasion de perfectionner votre habileté à argumenter en vous proposant un point de départ plus complexe.

Dans le texte argumentatif, vous ne considériez au plus que deux positions : la vôtre, à la défense de laquelle vous vous employiez avant tout, et l'embryon d'une autre, sous la forme d'au moins une objection à votre position. La dissertation dite «philosophique» vous impose au départ d'en examiner deux, qu'on appelle la thèse et l'antithèse, face auxquelles on vous demande de vous situer, ce qui donne une troisième position, la vôtre. En général, la première position (la thèse) est celle d'un auteur ou d'une doctrine donnés, sur un sujet donné, que votre professeur précise dans ses directives; l'antithèse, c'est une position contraire ou différente sur ce même sujet. Quant à votre position, elle devrait apparaître dans ce qu'on appelle la synthèse.

En rédigeant une dissertation philosophique, vous savez donc dès le départ que son développement comportera trois parties, de plusieurs paragraphes chacune: une première où vous résumez la thèse et ses arguments à propos du sujet traité; la seconde où vous présentez l'antithèse et ses arguments; et la troisième, plus élaborée car vous y discutez les deux points de vue précédents, de manière à prendre finalement position.

Vous avez le choix entre deux grandes formes de dissertation selon que, tout bien réfléchi, vous êtes nettement favorable à l'une des positions en présence ou qu'au contraire, l'une et l'autre vous laissent en partie insatisfait. La première découle tout naturellement du texte argumentatif : elle vous demande de présenter deux positions opposées et d'opter en faveur de l'une contre l'autre. La seconde, classique, vous demande de réconcilier deux positions plus ou moins opposées. Dans la première forme, voyez-vous comme un juge qui tranche tout en faisant preuve d'impartialité ; dans la seconde, voyez-vous plutôt comme un négociateur qui trouve une solution acceptable aux deux parties en présence. Vous avez tout compris : dans les deux cas, il faudra non seulement trouver des arguments, mais des arguments nuancés. Dans le texte argumentatif, vous travailliez à la hache, ici, vous faites dans le patinage de fantaisie. Mais logiquement.

Comment présenter la thèse et l'antithèse ?

Avec la pratique, on apprend à présenter thèse et antithèse de manière à ce qu'elles se répondent l'une à l'autre, soit qu'elles s'opposent directement, soit qu'elles divergent sans nécessairement être contradictoires. Attachez-vous à faire ressortir les oppositions, différences ou ressemblances qui vous seront utiles pour la suite.

Assurez-vous de votre mieux que des positions que vous croyez contraires le sont effectivement et que les différences qui distinguent des positions comparables ne camouflent pas une opposition plus profonde. Bref, efforcez-vous de bien comprendre les positions en présence!

La synthèse

Évidemment, la synthèse représente le principal défi de la dissertation. Le problème ne se présente pas de la même manière selon la forme de la dissertation où vous vous trouvez engagé.

1) Vous êtes un juge : pesez le pour et le contre et tranchez

La principale difficulté est de justifier votre option en faveur d'une position contre l'autre sur la base de vos propres arguments originaux. Vous ne pouvez pas réduire votre synthèse à: «Je suis d'accord avec la thèse (ou l'antithèse) pour les mêmes raisons que son auteur, et donc je suis contre l'antithèse (ou la thèse)». Comment faire? Vous terminerez la présentation de la thèse et de l'antithèse en résumant le mieux possible l'enjeu de la dispute selon vous (un paragraphe), enjeu face auquel vous avez sans doute un avis: c'est votre balance, en quelque sorte, qui se précisera si vous «pesez le pour et le contre», comme on dit. Pour ce faire, identifiez et démontrez les avantages et désavantages selon vous de chacune des positions (de deux à quatre paragraphes). Si vous avez du mal à discerner avantages ou désavantages, essayez d'imaginer les conséquences concrètes de chacune des positions dans diverses situations pertinentes. Ou essayez de voir en quoi chacune a raison et chacune a tort. Finalement, vous appréciez dans un dernier paragraphe le résultat de votre «pesée» et vous tranchez en faveur de la position la plus avantageuse, la plus juste et pertinente à vos yeux. Votre position, ici, est une synthèse dans la mesure où elle place deux positions opposées sur une même balance: c'est votre balance et on s'attend à ce qu'elle s'élève au-dessus de la mêlée.

2) Vous êtes un négociateur : à vous de trouver le ''juste milieu''.

Dans ce type de dissertation, on vous invite à réconcilier les deux points de vue en présence. Il faut alors être attentif à ce qui, dans chaque position, vous laisse en partie insatisfait. Ici, attention à un piège : certains sont portés à réconcilier artificiellement, dissertation oblige, les deux théories en présence en se rabattant sur la stratégie tentante du «juste milieu», qu'on doit manier ici avec des pincettes car elle peut s'avérer intenable. En effet, deux points de vue opposés peuvent à l'analyse se révéler tout à fait contradictoires, auquel cas aucune conciliation n'est possible. Que faire? À l'issue de votre présentation des positions en présence, il faut déterminer s'il y a ou non contradiction. Trois cas sont possibles.

Premier cas: il n'y a pas de contradiction, ni même de réelle opposition entre les deux positions qui envisagent simplement le même problème d'angles différents et il s'agit de les rapprocher. Vous terminez la présentation des thèse et antithèse en expliquant ce diagnostic et en montrant en un ou deux paragraphes que, sur la base de votre propre compréhension du problème traité, chacun des points de vue en présence est incomplet et que la meilleure chose à faire est d'utiliser l'un pour compléter l'autre: c'est le «juste milieu» en version «salade mélangée» pour ainsi dire. Et, en un ou deux paragraphes de plus, vous mélangez votre salade. Attention ! Il est important de mélanger des ingrédients qui vont ensemble. Assurez-vous donc que votre salade ne soit pas trop indigeste et qu'elle soit bien brassée. Que ce soit bien un juste milieu. Autrement dit: gare aux contradictions possibles qui, cette fois, vous guettent vous-même au lieu des auteurs en présence.

Deuxième cas: il n'y a pas de contradiction fondamentale, mais il y a une opposition sur un aspect particulier; si ce n'était de cet aspect, les deux parties s'entendraient. C'est le cas des lutteurs qu'il faut séparer: vous l'expliquez (un paragraphe). Malheureusement, il faut ensuite «couper les cheveux en quatre» pour les en convaincre. Vous examinez en un ou deux paragraphes les limites des deux positions de manière à faire de la place au milieu: c'est votre synthèse, que vous exposez ensuite en un paragraphe (Ouf!).

Troisième cas: il y a contradiction fondamentale (Aïe!) et vous avez affaire à des points de vue irréconciliables sur le terrain où ils s'affrontent, ce que vous expliquez (un paragraphe). Vous vous livrez ensuite à la haute voltige ultime, vous résolvez la contradiction: vous amenez le débat sur un autre terrain où les deux positions deviennent conciliables, ce que vous exposez en un ou deux paragraphes. Ça s'appelle déplacer le débat. Cet «autre terrain», c'est votre synthèse qui, en faisant voir le problème autrement, réconcilie les deux autres.

Félicitations ! Même votre prof n'y arrive pas toujours...

Pour finir, n'oubliez pas de conclure. Vous le faites de la même manière que le texte argumentatif ou, si c'est plus approprié selon vous, de la même manière que le commentaire critique.

La lecture de textes

Lire des textes, c'est rencontrer quelqu'un

Quand on vous demande de lire un texte en philosophie, c'est pour éveiller chez vous un questionnement sur certains aspects de la vie ou de la société, stimuler votre capacité à vous poser des questions, vous amener à maîtriser des idées qui, même si vous ne les partagez pas, peuvent néanmoins vous faire mieux comprendre votre monde. En ce sens, la bonne attitude n'est pas de voir les textes comme "de la matière à apprendre", mais comme des idées proposées à votre réflexion.

Dans ce genre de lecture, où le texte exprime une pensée inconnue qu'il vous faut apprivoiser, le premier aspect consiste à bien saisir ce que dit l'auteur. Cela signifie prendre son temps, s'arrêter, recommencer. D'abord faire une première lecture de survol, question de repérer les grandes lignes du texte et de son organisation. Ensuite, avec un crayon à mine (car les annotations peuvent changer au fil de la compréhension), on peut par exemple souligner les phrases ainsi que les concepts qui semblent importants, etc. En somme, il s'agit de savoir faire des pauses, s'arrêter, pour se demander ce que l'on comprend et ce que l'on ne comprend pas.

Résumer, mentalement ou par écrit, les différentes parties du texte permet de se situer à ce sujet. On peut aussi s'arrêter pour chercher au dictionnaire les mots inconnus. Et s'il reste des choses que l'on ne saisit décidément pas, le professeur sera trop heureux de démontrer ses capacités.Pour s'assurer d'avoir bien compris un texte, on peut se poser les questions suivantes : de quoi ça parle (thème, sujet), quelle est la problématique (les questions que l'auteur examine), quelle est la thèse (de quoi l'auteur veut-il nous convaincre), quels sont les principaux arguments (idées ou faits avancés par l'auteur pour confirmer ou démontrer sa thèse)?

Enfin, quand nous faisons une telle lecture, nous ne restons pas indifférents, nous réagissons. Le texte peut nous enthousiasmer, nous choquer, etc.: il faut aussi prêter attention à cette réaction; elle amorce notre réflexion au sujet des questions soulevées par le texte. Si vous êtes du genre rêveur, vous pouvez imaginer des situations illustrant les idées du texte; du genre critique, chercher des objections possibles; du genre logique, tirer les conséquences des idées de l'auteur ou faire des liens avec ce qui a été dit en classe, etc. En somme, il s'agit de mettre à profit vos tendances spontanées pour favoriser la meilleure rencontre possible entre vous et les idées de l'auteur.

Lire un essai, un roman, etc., c'est s'engager dans ce travail d'approfondissement, quitter les préoccupations du moment pour suivre un auteur dans son cheminement le plus abouti. Cet auteur se donnerait-il la peine d'écrire s'il n'y mettait pas le meilleur de son travail, de son expérience? En ce sens, il est un guide, mais un guide qui laisse entièrement libre de continuer son propre voyage (puisqu'il ne s'agit que d'un texte). Lire ne devrait donc jamais être l'activité désincarnée et ennuyante que certains prétendent. Au contraire, lire, c'est vivre plus.

Questions à developpement

Répondre à des questions « à développement » : il s'agit de réfléchir

Lorsqu'un professeur pose une question dite «à développement», par exemple lors d'un examen, son but est double. D'abord s'assurer que l'élève a saisi les différentes idées rencontrées en classe ou dans des textes. Ensuite, vérifier jusqu'où il a compris, c'est-à-dire si les idées «apprises» lui ont permis de réfléchir à son propre monde.

Pour ce faire, on peut distinguer deux grands types de questions. Dans l'un on ne vous demande pas de prendre position, dans l'autre oui. Ces deux types de questions peuvent sembler très différents à première vue. On aura l'impression que la question qui ne demande pas de prendre position veut simplement faire répéter ce que l'on a appris, sans impliquer sa propre réflexion, alors que celle qui le demande requiert la réflexion, mais très secondairement sur ce qu'on a appris. Erreur.

Prenons le cas le plus simple, celui où le professeur vous demande de présenter telle théorie, ou la pensée de tel auteur. Bien répondre exige déjà passablement de réflexion : en effet, il ne suffit pas de reproduire textuellement des phrases identiques à ce que dit l'auteur ou le prof. Nous l'avons déjà signalé, en philosophie, il ne s'agit pas essentiellement de fournir «la bonne réponse». Vous devez montrer que vous comprenez ce que vous écrivez, et donc expliquer la théorie ou la pensée de l'auteur, ce qui veut dire trouver des exemples, faire des liens entre les idées avancées par la théorie ou par l'auteur expliqués, que vous soyez ou non d'accord.

On pourrait comparer l'apprentissage des idées d'un auteur à l'essai de verres teintés. Comme ces derniers, les idées de l'auteur font voir le monde un peu autrement ; certains aspects ressortent alors qu'on ne les avait pas remarqués auparavant. Quand vous expliquez le monde tel que l'auteur le comprend, vous êtes amené à le regarder vous-même autrement : «Et si c'était comme ça?». Bien que votre réponse n'exprime pas votre propre position, elle n'est pas une répétition passive mais une action de l'esprit et, en ce sens, une réflexion.

D'autre part, même si l'on vous demande de prendre position, le travail ne consiste pas à dire ce que de toute façon vous auriez dit avant de connaître la pensée de l'auteur étudié, auquel cas vous ne feriez que vous répéter vous-même. En fait, la prise de position n'est qu'un résultat possible du travail réflexif; elle ne lui est pas absolument nécessaire et peut d'ailleurs être provisoire. Mais si on vous le demande, c'est que la formulation de votre position montrera comment vous avez compris les idées de l'auteur. Ce qui suppose de les considérer - au moins pour un temps - comme «vraies». L'essentiel est alors de bien suivre les conséquences de ces idées pour ensuite pouvoir vous exprimer le plus justement possible à leur propos. En somme, la difficulté est de faire l'apprentissage d'une pensée autre et, en même temps, de se laisser interpeller par elle.

Quelques conseils pratiques. Lisez bien la question. Vous demande-t-elle ou non votre avis? Lisez bien toute la question : identifiez-en les mots-clefs, puis notez les idées qui vous semblent pertinentes à ce sujet. Lorsque vous écrirez, il est essentiel d'être clair: comprenez-vous bien ce que vous avancez? Dans le cas contraire, il est douteux que votre lecteur le comprenne. Pour vous faciliter la tâche, associez chaque paragraphe à une idée bien précise. En fait, vous pourriez imaginer écrire à un ami à l'étranger : il n'a pas suivi le cours et vous désirez lui expliquer ces idées intéressantes que vous venez de découvrir. Si le professeur constate la qualité de vos explications adressées à un tiers, alors il saura ce qu'il voulait savoir, c'est-à-dire que vous avez compris. En ce sens, vous n'écrivez pas seulement pour le prof: répondre à une question d'examen est aussi un exercice de clarté pour vous-même.

Le texte argumentatif

Défendez votre position

C'est la forme la plus simple de ce type de travaux, l'embryon de la dissertation philosophique, et vous aurez surtout à le réaliser dans votre premier cours de philo. Son principal défi consiste à trouver et développer des arguments en les associant logiquement de manière à justifier une position, la vôtre.

Le sujet à traiter pourra être une question précise ou un problème général soulevés dans le cours. Vous vous concentrez alors sur votre propre réponse, qui est votre position ou thèse, et vous essayez d'en convaincre votre lecteur avec les meilleurs arguments dont vous êtes capable. En ce sens, cela ressemble un peu au texte d'opinion qu'on vous a fait faire durant vos études secondaires. Mais il y a une différence : votre professeur s'attend à ce que vos arguments soient plus élaborés et tiennent davantage compte de la complexité du problème ou des objections qu'on pourrait vous opposer (vous devez avoir des arguments plus «songés», comme vous dites). En fait, ce travail correspond en gros, mais en beaucoup plus court et sur des questions philosophiques, à la dissertation critique que vous enseigneront vos professeurs de littérature dans votre troisième cours de français et que l'épreuve uniforme de français vous impose. Comment procède-t-on?

Une fois le sujet amené, votre question posée et l'organisation du développement brièvement précisée, il s'agit de présenter et défendre votre thèse. Mais présenter votre thèse ne se limite pas à l'énoncer : définissez les mots ou les concepts qui auront une importance pour la suite. Puis, consacrez un paragraphe à chaque argument principal, cela vous aidera à distinguer vos arguments les uns des autres et aidera votre lecteur à vous suivre. Développez chaque argument: définitions et exemples au besoin, faits et arguments secondaires sur lesquels il repose.

Même si votre professeur ne le précise pas, c'est toujours une bonne idée d'examiner au moins une objection à votre position ou à l'un de vos arguments : vous ferez alors preuve d'esprit critique. Mais surtout, s'il s'agit d'une difficulté sérieuse et qui vous embête vraiment, vous serez amené à réellement réfléchir au problème posé par le sujet traité et cela sera plus intéressant pour vous.

Il y a diverses manières d'introduire les objections possibles, soit celles que vous adresserait l'un ou l'autre des auteurs étudiés, soit celles entendues dans une discussion en classe ou ailleurs, soit celles que vous imaginez vous-même. Après un ou chacun de vos arguments, vous direz par exemple : «On pourrait m'objecter ici que ...» et énoncerez une réplique contre l'affirmation que vous venez de présenter. Puis vous la commenterez, en cherchant à montrer ses limites. Si c'est possible, vous tenterez même d'intégrer son apport au profit de votre propre argument; si c'est impossible, entreprenez de la réfuter. Une autre solution serait de réserver un paragraphe ou deux à cette tâche, une fois tous vos arguments présentés, reportant ainsi l'ensemble des objections à la fin, juste avant de conclure. Énoncez alors brièvement la thèse qui s'opposerait à la vôtre, peut-être avec l'un de ses principaux arguments et, tout en prenant soin de reconnaître que cette position adverse n'est pas insensée, dites pourquoi elle ne vous convainc pas.

En passant, une fois rédigé le brouillon de votre développement, pourquoi ne pas vous livrer sur votre propre texte à l'exercice du plan logique? C'est une excellente manière de soigner les liens entre vos idées (et vos paragraphes), de vérifier si votre raisonnement conduit bien à la thèse que vous avez annoncée, de repérer des trous dans votre argumentation ou d'en confirmer la solidité.

Pour finir, concluez. En général, le premier paragraphe de la conclusion sert à résumer l'ensemble de votre texte. La tradition veut qu'on y ajoute deux autres paragraphes : l'un où, en relation avec le problème posé en introduction, vous identifiez les forces et les limites de votre réponse, et l'autre où vous montrez que vous avez réfléchi aux difficultés du sujet traité en ouvrant les perspectives et en formulant les questions que votre réflexion vous a amené à vous poser concernant le problème de départ.

L'essai personnel

Vous explorez

Comme son nom l'indique, ce travail vous laisse plus libre de vos développements que la dissertation : votre but est d'essayer des idées, de voir à quoi elles mènent. Idéalement, il s'agirait d'idées nouvelles. Plus modestement, il s'agit de vos idées sur un sujet donné, idées que l'essai devrait justement approfondir, renouveler, enrichir ou même carrément mettre en question. En principe, vous ne pouvez donc pas répéter ce que vous avez toujours pensé. Un mouvement plus interrogatif et médidatif ou, si cela vous convient mieux, plus contestataire et polémique, anime ce genre de travail - par opposition à la dissertation, dont le ton est plutôt celui de la démonstration froide, ferme et mesurée. Dès le départ d'une dissertation, le point d'arrivée est déjà fixé : vous devez démontrer quelque chose, même si vous ne savez pas très bien comment vous allez y parvenir. Mais au départ d'un essai, vous ne savez pas où vous aboutirez, car vous essayez quelque chose, pour voir.

Cependant, l'exploration ne vous dispense aucunement d'argumenter ou de raisonner : l'argumentation est ici mise au service de l'interrogation et de la recherche, qu'elle soit méditative ou contestataire. Vous ne pouvez pas non plus vous abstenir de bien comprendre et de considérer la pensée des autres qui, dans l'essai, stimulent et nourissent votre propre réflexion, qu'il s'agisse de mieux comprendre vos propres idées ou de mettre en question les idées dominantes du point de vue inhabituel et original que vous tentez de développer.

Le professeur vous indiquera le sujet : par exemple, il pourra s'agir dans le deuxième cours d'un essai sur votre propre conception de l'être humain ou, au terme de votre troisième cours, sur votre propre philosophie de la vie. Typiquement de vastes sujets. Peut-être vous indiquera-t-il aussi, à titre de points de repères, les aspects du sujet qu'il s'attend à vous voir traiter ou encore les auteurs, théories ou oeuvres avec lesquelles il voudra vous voir converser et réfléchir tout haut, ou contre lesquels vous choisirez peut-être quant à vous de vous élever. Quelles que soient ses directives, soyez-y attentif: elles vous seront précieuses dans ce travail où l'on risque d'être pris de vertige devant le vide et où l'on est constamment menacé de se rabattre sur les lieux communs dont il s'agirait justement de se débarrasser. Car c'est là le défi de ce travail. Que votre tempérament soit celui du hibou sagace qui s'envole seul et sans bruit ou du cheval sauvage qui dérange et piaffe dans l'enclos où on l'a cadenassé, vous aurez compris que l'essai vous offre l'occasion de mettre à l'épreuve ce que vous pensez, d'examiner à fond vos idées. Autrement dit: prenez vos idées au sérieux et transformez-les en projet.

Vous adapterez le canevas général « introduction / développement / conclusion » aux besoins de cet exercice et de votre tempérament: ce plan général vous servira de filet, pour ainsi dire. Le sujet étant en général vaste, tout l'art de l'amener, de le poser et de le diviser consistera à le réduire à des proportions réalistes et à le personnaliser. N'hésitez donc pas à poser la question dans vos termes, sur le terrain où, pour vous, elle constitue un réel problème, qui vous intéresse vraiment et auquel vous voulez accorder temps et réflexion : c'est le meilleur conseil qu'on puisse ici vous donner. En voici un autre: même si elles sont vagues ou si leur première formulation a l'air bizarre, soyez attentif à vos intuitions les plus profondes, et n'hésitez pas à les suivre : c'est justement en essayant de les préciser que vous les prendrez au sérieux.

À partir de là, les possibilités sont multiples. Disons qu'au départ d'un essai sur votre conception de l'être humain, vous avez le sentiment que la question de la liberté est centrale: voilà le sujet que vous poserez. Vous pouvez alors chercher comment lier cet aspect de la conduite humaine à tous les autres que votre professeur vous demande de considérer, et examiner ce qui se passe lorsqu'on décide de voir l'être humain comme un être libre (ou non) : vous «essayez» l'idée de liberté sur l'être humain d'autant de façons que vous jugez pertinentes. Ou encore, si tel est le fond de votre pensée, vous déclarez d'entrée de jeu que l'idée de liberté véhiculée par «la société» vous paraît dommageable car elle revient au fond à nier la liberté des humains et par là leur dignité et leur humanité. Votre essai tente ensuite de préciser ce point de vue, vous trouvant au besoin un allié (ou un adversaire) chez un auteur étudié. Peut-être aboutirez-vous à une conception de la liberté qui changerait bien des choses si tout le monde l'adoptait, qui sait ? Mais peut-être la question de la liberté vous laisse-t-elle de glace. Vous voulez au contraire utiliser l'essai pour formuler pour vous-même une conception plus complète de l'espèce à laquelle vous appartenez, dans le but précis de voir quel rapport cela a avec vous, personnellement et concrètement, pour l'avenir: vous essaierez donc de lier la question «Qui sommes-nous ?» à la question «Que puis-je faire, moi, individu par ailleurs unique ?». Et ainsi de suite. Comme vous le voyez, il n'y a pas de recette (... sauf de mettre une idée importante par paragraphe !): tout dépend de la vie de votre propre pensée et de votre intérêt à en suivre le fil jusqu'au bout.

Pour finir, vous concluez votre essai de la même manière que le commentaire critique ou, si c'est plus approprié selon vous, de la même manière que le texte argumentatif.

 

 

 

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